6e édition du Baromètre Syndex-Ifop sur l’état du dialogue social en 2024
Pour la 6e année consécutive, l’Ifop a réalisé pour Syndex une enquête sur l’état du dialogue social dans les entreprises. L’Ifop a réalisé fin 2023 pour Syndex une enquête sur l’état du dialogue social dans les entreprises. 1 420 représentants des salariés, 1 300 salariés et 401 chefs d’entreprise et DRH ont été interrogés par questionnaire auto-administré. Cette phase quantitative a été complétée par des entretiens qualitatifs avec des représentants du personnel (RP).
Dans un contexte de transformation du travail et après une année marquée par le mouvement contre la réforme des retraites, cette nouvelle édition questionne notamment la motivation et l’état d’esprit des élus de CSE ainsi que les sujets prioritaires à aborder en 2024, tels que les conditions de travail, la transition écologique, le partage de la valeur et l’intelligence artificielle.
> L’état d’esprit des RP à l’égard de leur instance CSE est en amélioration, même s’ils pointent des inconvénients plus marqués du CSE cette année
En dépit d’une inquiétude toujours importante (citée par 51% des répondants), l’état d’esprit des représentants du personnel vis-à-vis du CSE s’améliore. Ils sont 67% à se montrer déterminés et 65% motivés. Pourtant, ils sont encore 41% à constater un affaiblissement de leur poids face à celui de la direction depuis la mise en place du CSE, 39% à déplorer des ordres du jour trop chargés avec un manque de place accordée aux sujets de fond. Ils citent également parmi les inconvénients du CSE : le manque d’attractivité de la fonction, une prise en compte insuffisante de la santé au travail ou encore le déficit d’expertise des représentants des salariés. Pour près de 70% des CSE interrogés, les moyens alloués à leur instance n’ont pas été renégociés récemment.
> Les directions toujours perçues comme opportunistes ou tendues dans un contexte où les RP jugent bonne la situation économique de leur entreprise
« Opportunistes » (57%) et « tendues » (51%) sont les deux adjectifs les plus cités par les RP pour décrire l’état d’esprit des directions à l’égard du CSE. Elles sont jugées moins opportunistes qu’en 2018, mais beaucoup plus tendues depuis la crise sanitaire. 3 RP sur 4 estiment bonne la situation économique de leur entreprise, un score stable depuis 5 ans.
> 7 salariés sur 10 ont une bonne image de leur CSE, en progression par rapport à l’année dernière
En hausse de 5 points, l’image du CSE s’est renforcée dans un contexte de mobilisation contre la réforme des retraites et d’élections professionnelles. La participation aux élections reste bonne selon notre Baromètre : les salariés sont 59% à déclarer avoir voté aux dernières élections. Les salariés interrogés sont 75% à connaître un membre du CSE et 62% à se montrer intéressés par l’action du CSE.
> Les directions évaluent positivement le dialogue social dans leur entreprise (note moyenne de 7,7/10), mais les salarié·es sont plus réservé·es (5,8/10) et les RP se montrent encore plus critiques (5,2/10)
« Un écart toujours criant entre directions et représentants des salariés dans leur évaluation de la qualité du dialogue social » constate Claire Morel, membre du comité de direction de Syndex. « Les écarts autant que la stabilité des notes d’une année sur l’autre témoignent des positions ancrées chez les deux principaux acteurs du dialogue social dans les entreprises » commente-t-elle. Les salariés se montrent également réservés sur la qualité du dialogue social dans leur entreprise.
> Une perception différente du dialogue social selon les acteurs
Si les RP et les directions considèrent la confiance entre les participants ainsi que la transmission et la qualité de l’information comme essentielles pour la qualité du dialogue social, leur avis divergent sur la prise en compte des avis et revendications des RP par les directions et sur les moyens alloués, comme les heures de délégation.
« Les élus souhaitent un dialogue efficace dans lequel ils ont du poids, quand la direction reste sur le formalisme du respect de la loi » constate Nicolas Weinstein, membre du comité de direction de Syndex. « Il faudrait en même temps responsabiliser le CSE et voir les élus comme des partenaires et non pas comme un opposant. Les représentants du personnel allemands ont un certain poids dans les décisions, que nous n’avons pas en France. » déclare une élue du secteur de la chimie interrogée dans le cadre de l’enquête.
> 93% des représentant·es du personnel estiment que leur CSE rencontre des difficultés à recruter de nouveaux membres
Le temps et l’énergie investis (40%) ainsi que le manque de considération de la direction (45%) sont les premiers freins de non-représentation aux élections des représentants des salariés. Pourtant, 23% d’entre eux témoignent d’un regain d’intérêt pour le CSE et 42% pour l’action syndicale suite à la mobilisation contre la réforme des retraites.
> La santé, les conditions de travail et les risques psychosociaux (RPS) restent les sujets prioritaires à traiter par le CSE selon les trois acteurs du dialogue social
Pour 92% des représentants du personnel, la santé, les RPS et les conditions de travail sont les premiers sujets de préoccupation à traiter par les CSE. Selon eux et dans une moindre mesure les salariés, les directions sous-estiment la pénibilité et l’usure professionnelle en leur sein : seuls 26% des RP et 47% des salariés considèrent que les directions en ont une conscience suffisante.
> Les rémunérations et le pouvoir d’achat restent un sujet prioritaire pour les RP et les salarié·es.
Les rémunérations occupent toujours une place centrale pour les RP (86%) et les salariés (77%). Pour les directions,
ce sujet est perçu comme un sujet moins prioritaire à traiter par les CSE (53%). Plus largement, la question du partage de la valeur suscite des attentes. Les moyens envisagés pour y répondre divergent : alors que les RP et les salariés privilégient les hausses de salaire, les directions préfèrent mixer fixe, intéressement et variable.
> 1 RP sur 4 considère que le CSE s’est emparé de la nouvelle prérogative environnementale, un score stable par rapport à l’année dernière et 10% d’entre eux considèrent l’intelligence artificielle comme un sujet prioritaire
Si une majorité des RP est déjà formée sur les sujets santé/sécurité et économiques, seul 1 RP sur 10 a déjà suivi une formation sur les prérogatives environnementales. Ils sont 3 sur 4 à déclarer souhaiter se former. Pour 58% des RP, le CSE priorise d’autres sujets que celui-ci et pour la moitié d’entre eux la direction n’a pas transmis au CSE d’informations sur le sujet. L’intelligence artificielle est perçue comme un sujet prioritaire du CSE pour 10% des représentants du personnel, contre 6% des directions.
> La semaine des 4 jours emporte l’adhésion des RP comme des salarié·es, les dirigeant·es se montrent plus réservés
79% des représentants du personnel seraient favorables à la semaine de 4 jours sur 32 heures à salaire constant, 75% des salariés et 42% des directions. Si les RP voient de nombreux avantages à la semaine de 4 jours (santé, équilibre pro/perso, engagement), ils se montrent conscients des risques dont elle peut être porteuse (inégalités, surcharge de travail et de stress).
> Pour 50% des RP, le sujet des seniors en entreprise a été évoqué en réunions de CSE mais seulement 10% ont constaté la mise en place de nouvelles mesures
Peu de dispositifs sont mis en place pour aménager l’organisation du travail (en dehors du temps de travail avec 41%) et la valorisation de l’expérience, et c’est plutôt le raccourcissement des fins de carrière qui est privilégié avec le compte épargne temps (58%), ou encore la retraite progressive (39%).
> Les perspectives 2024
Pour 82% des RP, le renforcement du poids des avis émis par le CSE est une évolution prioritaire à mettre en place. Ils sont 67 % à vouloir un dialogue social au plus du terrain (représentants de proximité, envois directs d’emails aux salariés…) et 65% à souhaiter des réunions de CSE recentrées sur les sujets les plus importants.
Pour Claire Morel, membre du comité de direction de la Scop Syndex, « La fusion des instances au sein du CSE a créé un choc de simplification et de centralisation, mais avec des effets négatifs pour le dialogue social : moins d’élus, moins de moyens, moins de poids, moins de proximité, trop de sujets à traiter, etc. »
Pour Nicolas Weinstein, membre du comité de direction de la Scop Syndex, « Au vu des enjeux économiques, climatiques, géostratégiques, auxquels les entreprises seront de plus en plus confrontées, le dialogue social prend tout sens. Encore faudrait-il que chacun des acteurs puisse s’y confronter dans un cadre plus équilibré. »