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L'habillement, un secteur en crise ?

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En dépit d’un rebond des ventes (en valeur) de plus de 8% en 2021, le secteur de l’habillement ne parvient pas à inverser une baisse récurrente entamée en 2010. Cette deuxième année de crise sanitaire est finalement une année en trompe-l’œil avec une reprise qui ne couvre que la moitié du décrochage enregistrée en 2020. Quasiment un quart du chiffre d’affaires s’est envolé par rapport à 2019, dernière année « normale » pour le commerce.

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Source : l’Institut Français de la Mode

Toutefois, si l’on regarde les évolutions hors périodes de fermetures, le secteur enregistre en 2021 une progression des ventes de 1% par rapport à 2019, petit signe d’une possible résilience ? Tous les segments ne sont cependant pas concernés. Alors que le textile enfant est en progression, la mode féminine reste très en-deçà des niveaux d’avant crise. La croissance de 2021 a été tirée par l’enfant ; l’homme, la lingerie et la chaussure ont également bien résisté. Si les ZAC et les outlets ont très fortement progressé entre 2019 et 2021, les centres commerciaux, les grands magasins et les gares ont été très touchés par la crainte de la contamination, le télétravail et la chute du tourisme.

Plus globalement, la France décline les mêmes tendances que celles des géants du secteur. A l’exception d’Uniqlo, les ventes des 10 premières marques mondiales ont marqué le pas en 2021 (dont Zara et H&M).

Ce sont surtout les ventes en ligne qui ont profité du contexte avec un record de 129 Md€ en 2021 et 2,1 milliards de transactions sur internet en 2021 (+16% en 1 an). Plus sûres sur le plan sanitaire (7 français sur 10 ont déclaré redouter l’affluence dans les magasins pendant les soldes), plus intéressantes qu’en magasin (deux tiers des consommateurs ont le sentiment que les promotions proposées sur internet sont plus intéressantes qu’en magasin) et plus arrangeantes sur les modalités de paiement.

Outre la crise sanitaire, le contexte économique incertain a freiné le rebond de la demande en prêt-à-porter (PAP) pour adultes, les ménages ayant privilégié les articles à petits prix et d’occasion, les soldes et les bonnes affaires, ce qui a pesé sur le marché en valeur.

Pour 2022, le marché du prêt à porter pour adultes devrait progresser à un rythme plus modéré (+8%). La campagne des soldes d’hiver 2022 a été décevante en raison du maintien des restrictions sanitaires, notamment l’obligation de télétravail. Les niveaux de dépenses peineront à retrouver leur niveau de 2019. Et selon Kantar, près de 40% des Français estiment en outre ne pas avoir envie de faire du shopping car ils possèdent trop d’affaires.

La gestion de la crise sanitaire à peine maitrisée, le secteur doit cependant faire face à de nouvelles difficultés : problèmes d’approvisionnements, renchérissement des loyers, hausse marquée du prix des matières premières notamment. Selon le Département australien de l’agriculture (ABARES), la demande de coton sera supérieure à l'offre, ce qui entraînera une hausse des prix au cours de la saison 2021-2022 de 14% par rapport à la saison 2020-2021.

Les injonctions de réduction d’empreinte environnementale devraient également influencer les modèles des entreprises du secteur. Troisième industrie la plus polluante au monde derrière l’énergie et l’agroalimentaire, l’industrie de l’habillement émet en effet 10% des gaz à effet de serre. Les marques verdissent leur image que ce soit sur les matières premières, sur le « durable » ou sur des relocalisations.

Si la prise de conscience écologique ne s’est pas (encore) traduite par de la sobriété sur la consommation de PAP en volume, des changements de comportement se confirment, notamment l’engouement pour la seconde main. Toutefois, les mesures d’économies circulaires et éco-responsables, jugées quasiment cosmétiques par certains, sont insuffisantes si on veut respecter l’accord de Paris de 2015, visant à contenir l’élévation de la moyenne de la planète en dessous de 2° C par rapport aux niveaux pré-industriels. L’atteinte de ces objectifs obligerait à réduire par 3 la production vestimentaire d’ici 2050.

L’union européenne souhaite fixer des objectifs sur le recyclage, les dégâts de la fast fashion sur l’environnement, les invendus et les microplastiques en durcissant les normes. Un des effets de ces mesures pourrait être un "passeport numérique" sous forme de QR code, qui apporterait des informations sur la traçabilité et les matériaux aux consommateurs. Selon la Commission, jusqu'à 35 emplois sont créés dès que le volume de vêtement collectés pour recyclage ou revente augmente de 1.000 tonnes.

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