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Particularités des PSE dans les chaînes d’habillement. Interview

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Dans les enseignes, la multitude des points de vente ne facilite pas la tâche des représentants des salariés en cas de PSE. Notre experte du secteur commerce, Elsa Costanzo, vous apporte son éclairage de terrain sur les particularités de ces plans.

Le secteur de l'habillement est en crise

Plusieurs enseignes de prêt-à-porter ont engagé des PSE/restructurations ces derniers mois. Quelles en sont les causes ?

E. Costanzo - Le marché français du prêt-à-porter est en grande difficulté depuis 10 ans, fragilisé notamment par la baisse des prix, l’arrivée des grandes enseignes internationales (Primark, Zara) et l’évolution des comportements d’achat. Les chaînes françaises d’entrée ou de milieu de gamme peinent à s’adapter, comme en témoigne la dislocation du groupe Vivarte. Le mouvement des Gilets jaunes et les grèves de la fin 2019 ont encore affaibli les enseignes françaises.

En 2020, le marché a perdu 20% de chiffre d’affaires. Si certaines chaînes s'en sont très bien sorties, cela n'est pas le cas pour toutes.

Les périodes de fermeture du Covid ont porté le coup de grâce. En 2020, le marché a perdu 20% de chiffre d’affaires et, contrairement à d’autres secteurs, les ventes d’habillement ne sont pas reparties à la hausse. La crise a toutefois touché les enseignes de manière disparate. Si certaines chaînes s’en sont très bien sorties ou ont pu résister grâce à une compensation partielle par les ventes en ligne – il faut alors se méfier des PSE d’aubaine –, cela n’a pas été le cas pour toutes. Des enseignes se sont retrouvées en défaillance, comme La Halle au printemps ou Celio cet automne.  

       >> Lire aussi : Les impacts de la crise sanitaire sur le secteur du commerce

Les chaînes de magasins sont organisées avec de nombreuses succursales. Quelles spécificités cela crée-t-il lors d’un PSE ?

E. Costanzo - L’une des réponses aux difficultés économiques est la fermeture de magasins, parfois en nombre élevé (une centaine dans le cas de Celio), accompagnée de PSE. 

Habituellement, dans un PSE, les licenciements ou le volontariat sont appliqués sur l’ensemble de l’entreprise. Or, dans les chaînes, les magasins sont répartis sur l’ensemble du territoire : il est difficile de proposer à un salarié de Tourcoing d’aller travailler à Marseille ! La loi prend en compte cette spécificité et prévoit que la fermeture d’une succursale soit traitée au niveau de la zone d’emploi*. Concrètement, si un magasin ferme dans une zone d’emploi qui en compte trois, des personnes seront amenées à partir dans les trois sites et des salariés du magasin fermé seront réaffectés à l’un ou l’autre des deux lieux de ventes restants. 

Les directions redoutent le volontariat et craignent de désorganiser des équipes qui fonctionnent bien.

Mais les directions redoutent le volontariat et craignent de désorganiser des équipes qui fonctionnent bien. Pour garder la maîtrise, elles peuvent procéder à des mutations ciblées avant le PSE, pousser à ce qu’il n’y ait pas de volontariat et/ou demander que les critères de licenciement soient appliqués au seul magasin qui ferme. Comme ce n’est pas dans la loi, il leur faut pour cela un accord signé par les OS, quitte à faire usage de pressions. 

L’éparpillement des succursales est également une source de complexité pour les représentants des salariés : cela freine les relations de proximité avec les salariés et, quand de nombreux magasins sont fermés, limite la capacité des élus à régler de manière fine le PSE.  

       >> Voir le replay du webinaire : Les restructurations et les entreprises en difficulté

*Une zone d'emploi est un espace géographique à l'intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent, et dans lequel les établissements peuvent trouver l'essentiel de la main d'œuvre nécessaire pour occuper les emplois offerts. (Insee)

Quels conseils donner aux représentants des salariés ?

E. Costanzo - Dans un marché tendu comme celui de l’habillement et parce que les entreprises ont de vraies difficultés, les directions vont imposer beaucoup de pression aux élus et aux organisations syndicales : elles peuvent ainsi pousser à la réduction des délais d’information-consultation ou être très dures dans les négociations.

S’il y a un conseil à donner, en particulier aux négociateurs, c’est de ne rien signer sans contreparties.

S’il y a un conseil à donner, en particulier aux négociateurs, c’est de ne rien signer sans contreparties, notamment une amélioration des mesures sociales. Concernant ces mesures, le financement de formations longues de reconversion revêt un enjeu fort pour accompagner les salariés vers d’autres secteurs. De même, le volontariat permet de limiter les départs contraints et constitue une mesure importante à défendre.

Enfin, les élus du CSE peuvent s’appuyer sur leur droit à l’expertise, pour eux-mêmes ou pour accompagner les organisations syndicales. Avec l’expert, il sera entre autres possible de chiffrer des mesures alternatives, d’évaluer la réalité du motif économique et la bonne adéquation des mesures sociales aux moyens du groupe, mais aussi d’analyser les conditions de travail à l’issue du PSE. Autant d’informations nécessaires pour défendre au mieux l’intérêt des salariés et influer sur le contenu du PSE.

       >> En savoir plus sur l'offre Syndex en période de crise et l'appui à la négociation
 

Quand la Direccte “casse” un PSE : le cas Repetto

Chaussons de danse

 

Cela n’arrive pas souvent, mais cela arrive ! Le plan social présenté par le fabricant de ballerines concernant son usine de production et sa branche retail a été recalé par la Direccte. Cette décision administrative clôt un bras de fer tendu entre la direction de Repetto et les représentants des salariés de l’entreprise, qui ont refusé de signer le projet de PSE. Épaulée par sa fédération, mais aussi par l'expert du CSE, Syndex, la section syndicale n’a pas cédé devant la faiblesse des mesures sociales proposées. La direction a quant à elle maintenu son cap et déposé un accord unilatéral. “La Direccte se montre plus regardante sur les mesure sociales dans les cas de plans unilatéraux”, explique Rémi Skoutelsky, expert Syndex qui a accompagné les équipes Repetto. La Direccte a motivé son refus : insuffisance des mesures sociales comparé aux moyens du groupe et absence d’évaluation des risques psychosociaux à l’issue du projet.

Syndex accompagne les élus du secteur commerce 

Syndex capitalise des connaissances sur les différentes branches du commerce en France et en Europe. Les experts commerce Syndex sont issus de chacun des bureaux Syndex et connaissent les spécificités de leur territoire. 

Syndex, c’est aussi près de 40 consultants spécialistes des questions SSCT et une équipe dédiée aux restructurations. 

Nos références textile-habillement : Blancheporte, Camaïeu, Celio, Damart, Kidiliz, Kookaï, Nike, Orchestra, Repetto, Zara.

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