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Assurer l’implication des salariés et de leurs représentants : une condition de la transition juste

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Pour la Revue du Droit du Travail, notre experte Dara Jouanneaux, membre du service Développement durable RSE, revient sur la question de la financiarisation de l’économie et de la transformation écologique.

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Si la préoccupation écologique occupe un espace médiatique, politique et juridique croissant, un constat s’impose : la financiarisation de l’économie constitue un frein à la transformation écologique et expose particulièrement les salariés. Dans ce contexte, le bilan des outils dont disposent les représentants des salariés reste mitigé. Aussi, après avoir constaté que les avancées de la loi Climat et résilience restent insuffisantes, convient-il d’évoquer des pistes d’évolution possibles.
 

I. L’exigence de transformation écologique à l’épreuve de la financiarisation de l’économie


La transition écologique s’accélère, poussée par la multiplication de phénomènes météorologiques extrêmes et une prise de conscience croissante dans l’opinion publique. Elle s’accompagne d’un essor du numérique qui bouleverse les pratiques, avec l’intelligence artificielle, l’automatisation ou encore l’internet des objets, que la crise sanitaire a contribué à accélérer. Autant de mutations qui, combinées entre elles, génèrent des transformations considérables, notamment dans les entreprises. La révision en cours, et à venir, de nombreuses directives européennes dans le cadre du Pacte vert européen, qui vise la neutralité carbone en 2050 et la réduction de 55 % des gaz à effet de serre en 2030, va encore nettement amplifier les transformations. On peut citer, à titre d’exemple, les constructeurs automobiles. La réglementation CAFE les contraint à une réduction des émissions de 100 % en 2035. Ils doivent donc revoir entièrement leurs gammes de produits d’ici à 2030 et adapter leur outil industriel en conséquence.

Bien que cette transition écologique soit portée par le politique, le fonctionnement de l’économie reste marqué par une inertie certaine, lié notamment à la primauté donnée à l’objectif de profitabilité à court terme pour distribuer des dividendes.

Malgré une crise économique majeure en 2020 (bien supérieure en France au 1er choc pétrolier ou à la crise des subprimes), les sommes versées aux actionnaires sont restées très importantes dans de nombreux secteurs, parfois inchangées par rapport au niveau d’avant crise. Certaines entreprises se sont endettées pour maintenir leurs dividendes.

À l’inverse, les investissements sont sous contrainte. Il n’est pas rare de les voir rester au mieux stables, malgré des résultats souvent en hausse. Or il semble difficile d’engager une transition écologique sans investir. Certains acteurs comme l’Agence internationale de l’énergie, invite d’ailleurs les entreprises à investir massivement dès aujourd’hui dans les technologies peu matures nécessaires à la transition, comme l’hydrogène ou les batteries, afin d’être en mesure d’atteindre les objectifs fixés dans le cadre de l’accord de Paris.

Par ailleurs, pour sécuriser les résultats, les entreprises engagent des programmes d’économie de coûts qui se traduisent par le non remplacement des départs (et donc la multiplication des postes vacants), l’optimisation massive des fonctions supports (RH, paye, achats, informatique, etc.), de multiples réorganisations, qui peuvent être accompagnées de plans de départs volontaires, de plans sociaux ou de ruptures conventionnelles collectives. Les suppressions de postes peuvent être, entre autres, justifiées par les gains de productivité présumés de la numérisation, mais aussi par la nécessité d’adapter l’entreprise à la transition écologique.

Chemin faisant, un constat s’impose : l’emploi et les conditions de travail servent indéniablement de variable d’ajustement. C’est plus rarement le cas des dividendes. Dans ce contexte, les représentants des salariés doivent accompagner ces changements, avec un pouvoir restreint (avis consultatif uniquement) et des moyens réduits depuis une dizaine d’années par une série de lois qui ont modifié le dialogue social en France
(instauration de délais préfix, cofinancement des missions d’expertise, fusion des instances représentatives du personnel entraînant une réduction significative du nombre d’élus, des heures de délégation et un affaiblissement des relais de proximité).
 

II - L’accompagnement social des transitions : un bilan mitigé à ce jour

Les reprises et reconversions de sites existent, mais sont assez rares. La désindustrialisation de l’Europe se poursuit. Les enjeux environnementaux et d’indépendance peuvent conduire à la relocalisation d’activités, mais les projets restent aujourd’hui marginaux. Pour autant, a-t-on vraiment les moyens d’accompagner socialement la transition écologique ?

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) est un outil intéressant. Elle fait l’objet de deux obligations pour l’employeur. D’une part, la consultation du CSE sur les orientations stratégiques de l’entreprise doit obligatoirement porter également sur les conséquences de cette stratégie sur les emplois et les compétences. D’autre part, la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) doit faire l’objet d’une négociation triennale dans les entreprises de plus de trois cents salariés. Cette dernière, depuis la « loi climat », doit désormais notamment « répondre aux enjeux de la transition écologique » (C. trav., art. L. 2242-20).

 

Retrouvez l'intégralité de cet article ici - extrait la Revue du Droit du Travail, " Quel droit du travail pour la transition écologique ? " (n° mars 2022).

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