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Rgds rachète Capio : quels impacts sur leurs cliniques ?

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Fin octobre 2018, le groupe Ramsay GDS a acquis le groupe Capio dans le cadre d’une OPA. Avec cette opération, le groupe RGDS prend une dimension européenne et consolide sa place de numéro 1 dans l’Hexagone. Outre une évolution juridique, ce rapprochement aura des impacts sur les clinques RGDS.
Interview avec deux experts du groupe Santé protection sociale, Lionel Genest et Sabine Robion.

CLINIQUE

Quel est le contexte actuel des cliniques ?

L. G. - Le secteur des cliniques privées a connu un vaste mouvement de concentration par fusions successives au cours des 5 dernières années. Au bout du compte, deux acteurs dominent le marché. D’un côté on trouve Ramsay-GDS, issu de la fusion de Ramsay et GDS fin 2014, et qui aujourd’hui rachète Capio. RGDS consolide sa place de leader en France toutes spécialités confondues avec un chiffre d’affaires de 2,8 milliards d’euros et redevient le numéro 1 en MCO (médecine-chirurgie-obstétrique). De l’autre côté, il y a ELSAN qui est le regroupement de Vedici, Vitalia et de Médipôle Partenaire (ex-Médipôle Sud Santé et Médi-Partenaires).

S. R. - En parallèle, le contexte tarifaire s’est tendu. La concurrence avec le secteur public s’est également accrue, notamment en obstétrique, à la suite de la mise à niveau des hôpitaux. Les patients se tournent davantage vers le public qui pratique moins de dépassement d’honoraires que dans le privé, et donc moins de reste à charge.
Ce contexte s’explique aussi par la loi qui impose pour le secteur public la constitution de groupements hospitaliers de territoire, dans lesquels les hôpitaux d’un même territoire se réorganisent entre eux.
Les cartes sont donc rebattues dans un paysage où aujourd’hui il faut investir, être performant techniquement, être attractif pour les praticiens. On voit beaucoup de cliniques indépendantes qui ont du mal à tenir et qui se font racheter par des groupes.

L. G. – L’absence de professionnalisme dans la gestion a été un problème pour certains établissements indépendants détenus par des praticiens. Quand le contexte économique s’est tendu, elles se sont retrouvées en difficulté et n’ont plus eu la capacité d’investir. Les groupes bénéficient d’une surface financière plus importante pour s’endetter et investir.

Quels sont les impacts du rachat de Capio par RGDS sur les cliniques des deux groupes ?

L. G. - Les impacts sont de plusieurs natures. D’une part, les modalités de prise en charge vont surement évoluer avec le développement de la RRAC (récupération rapide après chirurgie), dont Capio était le précurseur, la télémédecine et la digitalisation. L’objectif est ici de poursuivre la baisse des durées de séjour et le développement de l’ambulatoire.
D’autre part, le rachat a coûté environ 800 millions d’euros, dont 550 millions financés par augmentation de capital des actionnaires de référence (Ramsay Health Care et Predica, une filiale du Crédit Agricole). On peut penser qu’ils vont attendre un retour sur investissement, d’autant qu’aucun dividende n’a été versé depuis 2014. Cela pourrait entraîner plus de pression économique sur les établissements et notamment sur la masse salariale.

S. R. - Les établissements du groupe Capio en France vont être intégrés dans les pôles du groupe RGDS ou vont constituer de nouveaux pôles. Au niveau de chaque pôle, l’activité des établissements va très surement être repensée dans une logique d’optimisation et de non concurrence entre établissements du groupe. Certains établissements de Capio ne s’inscrivent pas naturellement dans les pôles déjà existants. Il peut exister à notre avis une interrogation sur la volonté du groupe RGDS de les conserver. RGDS n’a en effet pas hésité à céder des établissements « isolés » comme l’Hôpital Privé Sévigné de Rennes au cours des dernières années.

Va-t-il y avoir des conséquences sur les salariés ?

S. R. - Les phénomènes observés les dernières années vont s’intensifier. La baisse des durées de séjour, grâce à la RRAC ou à une bascule vers l’ambulatoire, participe à une intensification des cadences. Le turn-over des patients va être de plus en plus important, le personnel devra réaliser plus d’actes avec des patients qui resteront moins longtemps. Le lien avec le patient sera donc de moins en moins fort.
A l’exception de quelques activités (maternité, dialyse, soins intensifs…), l’absence de norme de ratio de personnel par patient permet aux directions de réduire les effectifs soignants autant que faire se peut pour satisfaire aux impératifs économiques fixés par le groupe. Par exemple, il y a 10 ans, les directions du secteur estimaient qu’une infirmière pouvait s’occuper de 10 patients. Aujourd’hui, il n’est pas rare qu’une infirmière doive gérer 12 voire 14 patients, voire même plus.
Le durcissement des conditions de travail se traduit par un fort turn-over des effectifs des établissements. En Île de France, celui-ci atteint près de 20 %.
Le fort recours aux CDD vacataires contribue également à la désorganisation des services et à la dégradation des conditions de travail. Celui-ci est parfois subi car un certain nombre de soignants préfère travailler uniquement en CDD, mais il s’agit probablement d’une spécificité liée aux grandes agglomérations.


Pensez-vous que les représentants des salariés ont un rôle à jouer ?

L. G. - Assurément, les IRP doivent être vigilantes à la qualité des conditions de travail. L’intensification des cadences, les glissements de tâches et le recours parfois abusif aux vacataires doivent être des points d’attention particuliers. Elles doivent aussi être attentives à l’équation économique : s’assurer qu’il y aura une bonne redistribution des synergies qui seront dégagées de cette fusion. Les actionnaires et les dirigeants ne devront pas en être les seuls bénéficiaires. Les représentants du personnel devront également s’assurer que le niveau d’investissements reste soutenu.

S. R. - Les IRP devront être vigilantes aux nouveaux projets médicaux de pôles. Elles devront anticiper les possibles transferts d’activités d’un établissement vers l’autre et questionner sur les conséquences économiques et sociales de ceux-ci.
Il va également falloir être attentif au nouveau plan stratégique du groupe, étudier de près quels en seront les grands axes et leurs impacts sur les établissements et l’emploi.

 

Chiffres France :
Groupe : 141 établissements en France (RGDS avant le rachat : 123)
2,8 milliards de CA
28 500 salariés
2 800 000 patients


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