Études

Plein emploi et recrutements au plus haut, mais salaires au point mort : le paradoxe du secteur ingénierie et conseil en technologies

Même si le marché de l’emploi des ingénieurs est proche du plein-emploi, le salaire des ingénieurs débutants stagne depuis plusieurs années. Une partie de ce paradoxe s’explique par le fait que le métier d’ingénieur – au moins sur les tâches les plus standardisées - est de moins en moins protégé des stratégies d’industrialisation et de mondialisation qui contribuent à créer un marché de l’emploi de moins en moins segmenté, et donc à tirer les salaires vers le bas.

jeune homme assis écrivant dans un cahier

Les compétences génériques et non stratégiques mises en œuvre dans les projets informatiques ou de R&D industrielle ont progressivement été externalisées par les donneurs d’ordres auprès des prestataires d’ingénierie et/ou des ESN.

Afin de répondre à cette demande à moindre coût, ces dernières ont industrialisé la production d’ingénierie. Elles se sont structurées en organisant des pôles de compétences nationaux ou mondiaux spécialisés sur des thématiques spécifiques, et peuvent ainsi massifier les volumes d’heures sous-traitées. Altran a par exemple mis en place une offre reposant sur 7 centres de compétences mondiaux (« World Class Centers ») regroupant 6 500 ingénieurs et offrant des prestations spécialisées dans l’analyse des données, l’internet des objets, l’analyse des données, etc.

Pour ce qui est des tâches les plus standardisées, les SICT, qu’elles soient contraintes par les donneurs d’ordres ou soucieuses de préserver leurs marges, délocalisent une partie croissante de la production vers des centres de services nearshore (Maroc, Roumanie …) et offshore (Inde) au sein desquels les prestations sont industrialisées. Cette mise en concurrence croissante des jeunes ingénieurs français et européens avec leurs homologues indiens ou roumains pourrait du reste être accélérée par les difficultés de recrutement rencontrées par les SICT en France et en Europe de l’Ouest. Ainsi, selon Olivier Aldrin, président du directoire d’Assystem Technologies, le recours à la main-d’œuvre offshore et nearshore répond également à la pénurie d’ingénieurs dans certains pays d’Europe de l’Ouest1.

1AGEFI, 13 février 2018.

FOCUS : L’OFFSHORE, UNE PRIORITÉ STRATÉGIQUE DES LEADERS DU SECTEUR

Soumises à une pression tarifaire intense de la part des donneurs d’ordres, les grandes sociétés d’ingénierie font du développement de leurs capacités offshore une de leurs priorités stratégiques, y compris en termes de croissance externe.

Altran a ainsi racheté fin 2017 pour 1,7 Md€ la société américaine Aricent qui emploie 8 500 ingénieurs basés en Inde. Environ un tiers des salariés du leader français de l’ingénierie est désormais localisé dans des pays à bas coûts. Assystem Technologies a de son côté racheté début 2018 la société allemande SQS qui dispose également d’une base offshore importante avec notamment 2 000 ingénieurs en Inde. À une moindre échelle, Alten qui emploie déjà 1 300 salariés en Inde, a annoncé il y a quelques mois l’ouverture d’un « Delivery Center » en Roumanie afin de renforcer ses capacités nearshore.

Autoroute, Inde
On utilise le terme anglais « offshore » qui signifie littéralement « en dehors des côtes » pour désigner le transfert de tout ou partie d’une production dans un pays à bas coûts plus ou moins éloigné. Dans le cas de pays proches, on parle de « nearshore » (Tunisie, Maroc, Roumanie, etc.)

 

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