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[Interview] Politique sociale et conditions de travail

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Comment la consultation politique sociale permet d'aborder les conditions de travail ? Quel rôle peuvent jouer les élu.e.s et avec quels moyens ? Notre experte Carole Taudière vous explique tout !

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Comment la consultation politique sociale permet d'aborder les conditions de travail ?

Carole Taudière (CT) : L’objet de cette consultation est très large et permet d’aborder différents aspects de la politique sociale de l’entreprise qui sont autant de déterminants des conditions de travail : l’évolution de l'emploi, les qualifications, la formation, les congés et l'aménagement du temps de travail, la durée du travail, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les modalités d'exercice du droit d'expression…

Cette consultation a aussi explicitement pour objet les conditions de travail ainsi que les actions de prévention en matière de santé et de sécurité et l’employeur doit présenter au CSE deux documents spécifiques lors de la consultation :

  •    un bilan de la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail dans l'entreprise et des actions menées au cours de l'année écoulée dans ces domaines (bilan SSCT) ;
  •    le programme annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail (PAPRIPACT) qui doit être élaboré à partir de la mise à jour du DUERP (Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels).

Par ailleurs, depuis la loi Santé Travail d’août 2021, la consultation du CSE sur le DUERP est devenue obligatoire et la consultation sur la politique sociale peut ainsi devenir un grand RDV annuel de la prévention permettant d’examiner le contenu des différents documents obligatoires (rapport SSCT, DUERP, PAPRIPACT), leur conformité aux exigences légales (qui tendent à se renforcer) et surtout l’efficacité de la démarche mise en œuvre dans l’entreprise en matière de prévention et d’amélioration des conditions de travail. Ce sujet est de plus en plus souvent traité dans le cadre de nos expertises sur la politique sociale avec l’objectif que nos analyses et nos préconisations permettent au CSE d’exercer pleinement ses prérogatives et d’infléchir la politique de prévention.

D'après le baromètre Syndex-Ifop, 87% salariés considèrent que le CSE a un rôle de suivi et d’amélioration des conditions de travail au sein de l’entreprise. Concrètement, quel rôle peuvent-ils jouer ? avec quels moyens ?

CT : Le CSE dispose de tout un ensemble de prérogatives en matière de santé, sécurité et conditions de travail : inspections trimestrielles, enquêtes, alertes en cas de danger grave et imminent, consultations (consultation annuelle sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi mais aussi consultations ponctuelles pour tout projet important modifiant les conditions de travail), recours à l’expertise (projet important ou risque grave)…
En fonction de la situation, le CSE peut choisir le moyen d’intervention qui lui parait le plus adapté mais l’enjeu est toujours le même : il s’agit de recueillir des données concrètes, factuelles (témoignages de salarié.e.s, suivi d’indicateurs sociaux et de santé/sécurité, résultats d’enquête par questionnaire, observations, relevés, photos…) afin de mettre en évidence un problème de conditions de travail ou d’alerter l’employeur en cas de risque avéré. Le CSE peut aussi formuler des propositions pour prévenir les risques et améliorer les conditions de travail. C’est ce travail d’objectivation des conditions réelles de l’activité et des risques auxquels peuvent être exposé.e.s les salarié.e.s qui constitue le moyen d’action le plus efficace pour faire évoluer la situation : le constat étayé d’une situation à risque impose à l’employeur d’agir (en vertu de son obligation de prévention) et les propositions formulées par le CSE doivent être suivies de réponses motivées. Mais pour aboutir à des changements concrets, une simple prise de parole en réunion souvent ne suffit pas : il est nécessaire de formaliser ces constats, alertes ou propositions (résolution votée en réunion, procédure d’alerte, avis remis par le CSE lors d’une consultation…) et d’en organiser le suivi (commission SSCT, réunions du CSE…).

92% des cse jugent les conditions de travail comme un sujet important et prioritaire vs 69% pour les directions. Comment expliques-tu ce décalage ?


CT : Les membres des CSE, par leur proximité avec les salarié.e.s et leur propre expérience du travail connaissent mieux les conditions réelles de l’activité que les directions qui en ont souvent une vision assez éloignée, voire déformée (l’activité étant perçue à travers des indicateurs de gestion ou de qualité qui ne reflètent pas la réalité du travail). Ainsi dans beaucoup d’entreprises confrontées actuellement à des difficultés de recrutement, les directions ne font pas toujours le lien entre manque d’attractivité et dégradation des conditions de travail (cf. interview K. Lucas sur les difficultés de recrutement) quand c’est une évidence pour les membres du CSE…
Cela dit, le fait que plus des deux tiers des directions considèrent les conditions de travail comme un sujet prioritaire est plutôt un signal positif, une opportunité que peuvent saisir les élu.e.s pour faire des conditions réelles de travail un sujet central du dialogue social, notamment à travers les consultations (politique sociale, projet important…) et par la négociation sur la QVCT (qualité de vie et des conditions de travail). A Syndex, on réalise d’ailleurs de plus en plus d’accompagnements d’équipes dans ce cadre dont l’objectif est de réussir à centrer la négociation sur les problèmes réels du travail plutôt que sur des sujets périphériques (services de conciergerie, sport, massages…), ce qui a souvent été le cas dans la première génération d’accords QVT.

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