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Dossier : Flex office

Quel est l'avis des salariés sur le télétravail et ses effets ? - épisode 5

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Quels sont les effets du télétravail sur les conditions de travail ? Lire le 5e épisode de notre dossier spécial produit par nos experts SSCT Sylvain Girard et Carole Taudière.

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Enquête après enquête, les salarié·e·s interrogé.e.s dans le cadre des missions d’expertise réalisées depuis la crise sanitaire expriment massivement le souhait de continuer à télétravailler ou de pouvoir télétravailler davantage.

Mais le télétravail ne concerne qu’une minorité de salarié.e.s. Même au plus fort de la crise sanitaire, la part de télétravailleurs dans la population active n’a pas dépassé 30 % selon l’enquête de la DARES.

Le recours au télétravail est variable selon la taille des entreprises (plus les entreprises sont grandes, plus le télétravail est développé), mais aussi selon le secteur d’activité. L’infographie ci-dessous en est une illustration : on constate par exemple que des sociétés du secteur des nouvelles technologies privilégient fortement le télétravail à 100%.

Infographie

JLL - décembre 2021


Au sein d’une même entreprise, certains métiers sont aisément télétravaillables (globalement les activités de bureau) quand d’autres le sont beaucoup moins voire pas du tout (logistique, commerce, production, etc.). On note également que les cadres bénéficient davantage de possibilités de télétravail que les autres catégories.


La question de l’accès au télétravail tend à devenir un enjeu important d’équité dans l’entreprise

Dans ce contexte de forte appétence pour le télétravail et de grande variabilité dans sa mise en œuvre, la question de l’accès au télétravail prend de plus en plus d’importance, ce que nous constatons dans nos enquêtes et lors d’accompagnements à la négociation d’accords portant sur le télétravail.


L’accès au télétravail peut être perçu comme un avantage par ceux qui n’en bénéficient pas. Un sentiment d’iniquité peut dès lors survenir et affecter les relations interpersonnelles entre celles et ceux qui ont accès au télétravail et les autres, contraints de se rendre chaque jour sur leur lieu de travail.

C’est d’autant plus le cas que l’accès au télétravail ouvre la possibilité de bénéficier d’une indemnité d'occupation du domicile. Si cette indemnité est une rétrocession aux télétravailleurs·euses d’une part des dépenses de locaux économisés par l’entreprise, la question de l’exclusion de ce bénéfice des salarié.e.s ne pouvant pas télétravailler se pose. En effet les non-télétravailleurs·euses peuvent légitimement considérer comme injuste le fait d’être privé·e·s du bénéfice de certains gains associés au télétravail alors qu’ils n’ont pas la chance d’occuper un poste télétravaillable. Le rôle des organisations syndicales sera ici essentiel : les NAO à venir pourraient viser à négocier un partage plus équitable des gains induits par le recours au télétravail, incluant donc l’ensemble des travailleurs·euses.

Et la question des critères d’accès au télétravail devra faire l’objet d’une vigilance particulière des organisations syndicales et des CSE à l’occasion des renégociations d’accord ou des consultations des CSE sur de nouvelles chartes, afin d’établir des critères justes, clairs et partagés et d’éviter toute situation susceptible d’entrainer un sentiment d’iniquité :

  • lorsqu’un poste est considéré comme non télétravaillable alors qu’un poste semblable dans l’entreprise est éligible au télétravail ;
  • lorsqu’un poste est considéré comme non éligible alors qu’une partie des tâches pourraient tout à fait être réalisées en télétravail ;
  • lorsque l’accès au télétravail est laissé à la libre appréciation des managers, ce qui peut donner lieu à de grandes disparités de situations entre services voire au sein d’un même service.

La mise en œuvre d’un diagnostic préalable listant et argumentant précisément les postes, mais également les tâches en charge de chaque poste, considéré·e·s comme télétravaillables apparaît déterminante pour prévenir ce risque.


Les motivations exprimées par les télétravailleur·se·s

Dans le cadre de nos expertises, la réduction des temps de transport et une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle ressortent parmi les premiers avantages perçus du télétravail par celles et ceux qui en ont fait l’expérience. Mais nous relevons de façon constante dans nos enquêtes d’autres puissants leviers de motivation des salarié·e·s à conserver et développer ce mode de travail : une plus grande autonomie (moindre pression hiérarchique) et surtout une plus grande efficacité dans le travail (travail au calme qui favorise la concentration, moins d’interruptions...).

L’appétence massive qui s’exprime pour le télétravail peut donc aussi s’interpréter comme une stratégie de protection des salarié·e·s face aux nuisances auxquels ils peuvent être exposé·e·s sur leur lieu de travail (interruptions fréquentes, pression hiérarchique pesante, bruit ambiant dans l’open space – renforcé par la multiplication des visioconférences...).


Augmentation de la charge de travail et densification du travail

Beaucoup de télétravailleurs·euses indiquent une charge de travail en hausse avec la pratique régulière du travail à distance. Nos expertises mettent en lumière différents facteurs en cause :

  • les interruptions de tâches sont moins nombreuses, le télétravail permettant de s’isoler et de gagner en concentration et ainsi de dérouler avec davantage de performance l’exécution de son travail ;
  • les temps de pause sont réduits parce qu’ils ne sont pas pris de manière collective et ne donnent pas lieu à des échanges informels avec les collègues ;
  • certains types de sollicitations augmentent : l’éloignement physique des travailleurs·euses empêche les régulations usuellement informelles (échanges à la machine à café, discussions à la volée, etc.) qui sont remplacées par des échanges formels (réunions Teams, mails et appels téléphoniques).

> Dans une société d’ingénierie, 42% des salariés disent que le nombre de leurs sollicitations a augmenté dans le cadre du télétravail et 40% disent qu’ils ont participé à plus de réunions en télétravail.

  • Enfin, le télétravail est un facteur d’isolement, ce qui pose problème pour les activités fondées sur la coopération et impose un travail de coordination supplémentaire.


Une extension de l’amplitude horaire de travail

Le temps de trajet épargné grâce au télétravail est en partie converti en temps de travail : c’est l’un des constats récurrents de nos missions portant sur le télétravail. Ainsi avec le télétravail, la journée de travail débute souvent plus tôt et la durée quotidienne de travail est globalement rallongée.

Les salarié·e·s que nous rencontrons dans le cadre de nos missions évoquent fréquemment des difficultés à se déconnecter lorsqu’ils travaillent à leur domicile.

  • Ces difficultés paraissent d’abord liées à un effet de brouillage de la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle (les temps de trajet domicile-travail matérialisant habituellement cette frontière temporelle).
  • Elles tiennent aussi à l’insuffisance voire à l’absence de dispositifs collectifs (au-delà d’un simple rappel des règles relatives au droit à la déconnexion) permettant d’encadrer les horaires de travail et d’endiguer les dérives que favorise le télétravail.

         > On relève par exemple qu’en télétravail, la charge de travail se gérant de manière autonome, voire isolée, les besoins de coordination tendent à passer au second plan et à être reportés, donnant lieu à des sollicitations malvenues, notamment en fin de journée.

Cette question des horaires de travail en télétravail parait délicate car l’enjeu est double : il s’agit à la fois de permettre une certaine flexibilité horaire (qui constitue l’un des principaux bénéfices du télétravail pour les salarié·e·s) tout en maintenant un cadre collectif fixant des limites à l’amplitude horaire de travail et garantissant le bon fonctionnement des équipes, ce qui suppose des horaires de travail communs.

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