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ACI Villeurbanne : « Avec CV de site, on a montré de quoi les équipes de l’usine étaient capables »

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C’est une histoire passionnante que celle du site ACI Villeurbanne. Celle d’une usine Renault, qui emploie 200 personnes, et qui, laissée à l’abandon depuis des années, est condamnée à la fermeture. Et puis soudain tout se met en dynamique, les salarié·es se mobilisent, la direction change son regard sur le potentiel du site, et commence alors l’invention d’un nouvel avenir pour l’usine et son équipe. Et dans ce processus, l’intervention des équipes Syndex et de la méthodologie CV de site, n’est pas du tout étrangère… Interview croisée de Jean-Pierre Néollier (Syndex Rhône-Alpes, pôle auto) et Pierre Bablot (Syndex Métaux, CV de site)

ACI Villeurbanne

Comment avez-vous obtenu cette mission ?

JPN : En tant que membre du pôle auto et du groupe Rhône-Alpes, je connaissais ce site depuis des années. Et puis un jour, en 2014, un élu me montre l’état des comptes de l’usine. J’y vois un excédent brut d’exploitation négatif de 10 à 15% depuis plusieurs exercices ! Nous décidons alors de faire un droit d’alerte sur « une fin de vie programmée ». Je découvre en effet un site figé dans le temps, avec des directeurs d’usine qui se succédaient sans mettre en œuvre d’actions pour transformer la situation du site : ils géraient ainsi la paix sociale. Un tiers des 5 ha de terrain de l’usine est occupé, l’organisation de l’espace n’est pas fonctionnelle, rien n’est fait pour le bien-être des salariés… Le site, qui compte plus de 200 salarié·e·s, a connu 1 recrutement en 18 ans ! La mission aboutit sur la nécessité de construire un « projet d’avenir » ailleurs que sur le site actuel enclavé en pleine ville, dont la vente financerait un nouveau projet.

PB : Et puis arrivent un nouveau directeur de site expérimenté, reconnu et ouvert, en capacité de porter un projet d’entreprise et, à peu près en même temps, un nouveau délégué syndical central (DSC) CFDT Renault, qui a bien conscience de la difficulté rencontrée par ses collègues du site mais qui est démuni pour les aider. Et c’est là qu’intervient CV de Site.

Quels y étaient les enjeux ?

PB : On est dans un contexte syndical difficile, avec une CGT majoritaire, qui pense pouvoir défendre le site en ne voulant entendre parler ni de déménagement ni de sortie du groupe Renault. Et en face, une direction qui veut favoriser en douceur la sortie d’ACI Villeurbanne du groupe car elle ne voit d’autres solutions qu’en externe (et laisse, sans trop y croire, une chance d’en trouver une en interne).

JPN : Le DSC CFDT Renault décide de se saisir de l’opportunité de la renégociation de l’accord (de compétitivité) CAP 2020 de Renault, pour remettre ACI Villeurbanne au centre des discussions. Renault s’engage à trouver une solution sur une base paritaire, sur laquelle repose la démarche de CV de Site. L’enjeu est de mettre en dynamique tous les acteurs et de les faire converger vers une solution, un projet. Pour cela, le paritarisme induit par CV de Site fonctionne bien.

Comment s’est déroulée la mission CV de Site ?

PB : La première phase qui a été déterminante, c’est l’accord de méthode (inédit sur le site) auquel nous avons abouti après un travail « riche de confrontations ». Celui-ci posait une Commission Paritaire (CP) associant direction (site et groupe, le directeur d’usine ayant délégation de pouvoir du directeur industriel groupe), encadrement, salarié·e·s et leurs représentant·e·s.
Une fois ces bases, fondamentales, posées, l’animation de la démarche a permis de faire bouger les lignes (chacun s’ouvrant à des solutions nouvelles) et l’analyse des compétences collectives a permis de valoriser un potentiel sous-estimé : une qualité de travail hors pair, et des compétences spécifiques qui auraient été non reconnues dans tout autre démarche hors CV de Site (réparation complexe de machines, récupération, inventivité…). Le travail de bilan de compétences collectives a par ailleurs permis de dépasser les très fortes réticences des salarié·e·s, désabusé·e·s par des années d’abandon. Et, de l’autre côté, il a décillé le regard de la direction qui avait une image très dégradée du site et de ses équipes.

JPN : Ce qu’a merveilleusement permis le CVS, c’est un changement complet de regard du directeur industriel Europe du groupe dont nous avions demandé à ce qu’il soit, en tant que porteur de projet décisionnaire, l’interlocuteur de la CP. Ce patron ne connaissait le site que via des reportings et les rapports du directeur de pôles d’activité. Quand il est venu visiter l’usine, ce qui était déjà en soi une victoire, pour valider les éléments du bilan de compétences collectives, il a constaté par lui-même leur formidable capacité de rénovation d’installations et de machines. C’est cette dynamique-là qui a permis de positionner le site vers un nouvel avenir.

PB : En parallèle, l’équipe de la mission avait rencontré ce directeur afin de mieux comprendre la stratégie manufacturing de Renault et visiter plusieurs usines pour comprendre les besoins du groupe. Des retours en ont été fait en commission paritaire, tout en prenant soin qu’ils fassent l’objet d’une communication régulière avec les salarié·e·s. Comme nous avions fait un travail important auprès d’eux (présentations, entretiens, échanges…), ceux-ci sont devenus plus réceptifs aux changements qu’aux résistances.

Et à quoi cette mission CV de Site a-t-elle finalement abouti ?

PB : Eh bien on a réussi, non seulement à ce que le site ne ferme pas, mais aussi à ce qu’il reste dans Renault : on s’est aperçu que Renault était en train de développer une activité de tooling (rénovation, réparation, automatisation…), pour accompagner son évolution vers une Industriel 4.0, et qu’il fallait se saisir de cette opportunité pour le site. C’était une solution en accord avec les compétences du site et ayant des perspectives fortes de développement.
Mais une partie de l’équipe ne pouvant probablement pas être embarquée dans cette nouvelle activité qui nécessite une forte montée en compétences, il a été acté, en commission paritaire, avec engagement de la direction donc, de maintenir en partie l’activité actuelle du site. Soit la mise en place d’un phasing out (sortie d’activité) qui n’était possible que par l’introduction d’une nouvelle activité (phasing in). Seule l’anticipation pouvait garantir un maintien partiel de l’activité actuelle, et donc des emplois afférents.

JPN : Le grand intérêt de la solution à laquelle la mission CVS a abouti est de construire ACI 2023 autour d’une solution mixant une partie de leur activité actuelle (l’assemblage, de conditionnement de pièces usinée) et une activité de tooling (autour principalement du cœur de compétence actuelle d’ACI : l’usinage… mais désormais de pièces techniques en petites séries).

PB : On est donc actuellement sur un projet ACI 2023, sur lequel les salarié·e·s sont associé·e·s et qui est suivi par la commission paritaire, maintenue même après la mission CVS. Par ailleurs, une nouvelle mission Syndex est mise en place pour accompagner la commission paritaire et l’équipe projet Renault sur les 3 ans à venir, en partenariat avec Altedia, qui travaille sur la partie du déménagement, tandis que Syndex se concentre sur les problématiques de la mise en mouvement des salarié·e·s dans ce projet : dans une entreprise qui a vécu quasiment en autarcie pendant 18 ans, les problématiques du changement, de la montée en compétences… sont majeurs pour embarquer tout le monde et réussir ACI 2023.

JPN : Nous venons de finaliser l’animation de groupes d’expression dans lesquels les ¾ des salariés disponibles ont bien voulu participer, ce qui nous a permis de comprendre les craintes, les freins, les envies… et d’être force de préconisations.

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