Actualités
Dossier : Newsletter auto #10

Auto : restructurations à tout va en Europe

Afficher l'article en plein écran

Constructeurs et équipementiers sont confrontés à la mutation (coûteuse) du secteur automobile vers l’électrique, à une croissance prévisionnelle des ventes de véhicules électriques plus modérée que prévu et à une concurrence plus vive, avec le développement de l’offre électrique chinoise. Dans ce contexte, les réorganisations sont de mise et le coût du travail en France et en Europe occidentale est de nouveau pointé du doigt.

plan social

Du côté des constructeurs…

Afin de réduire leur nombre de salariés, les constructeurs européens enchaînent depuis quelques années déjà des plans de départ dans leur pays d’origine.

En 2020, le groupe Renault avait annoncé un important plan d’économies visant la suppression de 15 000 emplois dans le monde et 4 600 en France. Dans l’Hexagone, deux plans de départ successifs ont été mis en place, en 2020-2021 puis 2022-2024, affectant près de 5 000 salariés au total. Pour compléter son plan d’économies, le groupe a fermé le site de Choisy, transférant l’activité et une partie des salariés à Flins, et a vendu en novembre 2022 la Fonderie de Bretagne (à Caudan, Morbihan) à un fonds d’investissement allemand. Cette opération a conduit le groupe à se séparer de plus de 350 salariés. En revanche, la fermeture du site de Dieppe, initialement prévue, ne s’est pas concrétisée.

Chez PSA, désormais Stellantis, les plans de départs volontaires et ruptures conventionnelles collectives se succèdent. PSA a ainsi enregistré en France, 1500 départs en 2017, un plan de départs de 1300 en 2018, de 1900 en 2019. En 2021, près de 1400 départs volontaires ont eu lieu et à peu près autant étaient envisagés pour les années suivantes (2600 sur 2022 et 2023). Si des embauches sont réalisées parallèlement aux départs volontaires et à la retraite, il n’empêche que les effectifs sont en recul en France : de l’ordre de 47 000 aujourd’hui contre 53 000 en 2017.

Le secteur du camion n’est pas épargné non plus : en raison de la crise sanitaire, Renault Trucks, filiale de Volvo Group, a annoncé en juin 2020 souhaiter supprimer 485 postes en France, 4 100 dans le monde. L’année suivante, c’est Volkswagen qui a notamment annoncé la suppression de 67 postes (sur 591) de sa filiale Man Energy Solutions à Saint-Nazaire. Le groupe souhaite ainsi rester compétitif sur un marché du moteur poids lourd en recul face à l’émergence des énergies renouvelables.

Pour aller plus loin : https://www.syndex.fr/actualites/actualite/replay-les-elues-face-aux-di…

… et des équipementiers

Les équipementiers sont affectés par des taux de marge inférieurs à ceux de leurs clients et fournisseurs depuis quelques années désormais. De plus, en raison de la faiblesse prolongée des volumes vendus, ils peinent à rentabiliser les investissements engagés dans la mutation du secteur. Dans ce contexte, ils procèdent actuellement à des restructurations de grande ampleur, entendant ainsi raviver la confiance des investisseurs financiers.

Mais tous ne se réorganisent pas exactement de la même manière. Ainsi, Continental cherche à réduire ses coûts fixes (-5 400 postes administratifs et -1 750 postes en R&D à l’échelle mondiale) et revoit le périmètre de ses activités en se séparant de sa division User Experience (systèmes d’affichage intérieur). Valeo remodèle ses activités Propulsion en supprimant 1 150 emplois dans le monde, dont 235 en France. Quant à Forvia, il entend rehausser la compétitivité de ses activités européennes en s’appuyant sur l’IA en R&D et en développant des usines sans opérateurs en production (suppression de 10 000 emplois sur 5 ans, pour des économies attendues de 500 M€ par an à partir de 2028).

Quelques points communs toutefois :

  • il s’agit de décisions descendantes (top down) que les dirigeants de site et RH doivent mettre en œuvre comme ils peuvent ;
  • le chiffrage et le ciblage de ces plans reposent généralement sur des analyses de la concurrence réalisées au niveau du groupe et non sur les besoins que leurs équipes auraient pour travailler de manière efficace et efficiente ;
  • ces façons d’opérer n’intègrent généralement pas l’expérience accumulée par les équipes, suscitant chez ces dernières incompréhension, perte de confiance, turnover accru, pertes de compétences durables.

En 2020-2021, sur 24 mois, les fournisseurs automobiles français de rang 1, 2 & 3 ont perdu de l’ordre de 6000 emplois, dont une majorité à la suite de fermetures de sites de production. La fermeture la plus importante a concerné le site de Bridgestone dans les pneumatiques, les autres ont principalement concerné des entreprises de la fonderie et de l’emboutissage. Tous les territoires ont été touchés par ces différents types de restructuration.

Depuis 2023, et sur 14 mois, de l’ordre de 3000 emplois ont été perdus chez les fournisseurs automobiles. Les fermetures concernent des petits sites de production en région. Quelques évolutions sont notables :

  • les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) progressent actuellement : les pertes associées sont, depuis janvier 2023, supérieures à ce qu’elles étaient sur les 24 mois de 2020 et 2021 ;
  • les restructurations ne concernent plus uniquement des activités liées à la production, mais s’opèrent dans les activités d’ingénierie également ;
  • une part croissante de ces restructurations s’opère chez les équipementiers de rang 1.

 

Des voies d’action restent possibles – Et pourquoi pas le Design social ?

À l’heure où les réorganisations se multiplient (issues de choix financiers, de l’introduction d’outils de simulation, du développement de l’IA…), les représentants des salariés ont un travail colossal en matière de questionnement, d’instruction et de formulation d’avis, de préconisations et de propositions alternatives sur les différents projets.
 
Afin que les transformations du travail soient soutenables pour les salariés et aboutissent à un travail bien fait et efficace, respecter un certain nombre de prérequis est indispensable. Et sur ce volet, les représentants des salariés ont matière à être actifs. Ils pourront s’appuyer utilement sur les préconisations de l’ANACT notamment (https://www.anact.fr/comment-agir-sur-les-transformations-numeriques-du…) ou sur le recours à l’expertise.
 
Pour ceux qui souhaiteraient agir le plus en amont possible du déploiement d’un projet, sachez que des outils existent pour l’instauration d’un dialogue professionnel. Nous avons eu l’occasion d’expérimenter une démarche de Design social avec des ergonomes du CNAM au sein d’un centre d’essai moteur.  
 
De quoi s’agit ?  La démarche consiste à imaginer, conduire et accompagner les transformations du travail en impliquant les parties prenantes, visant au travail « bien fait », en santé et performant.
 
Et plus précisément ? Cela consiste à aller regarder ce qui change à l'échelle du « travail réel", en amont du déploiement du projet. Sur ces bases, des séquences d’activité sont simulées avec les différentes personnes qui auront à travailler ensemble. En ressortent des règles de fonctionnement, séquençage de tâches, planifications et préconisations nécessaires à la bonne conduite des projets.
 
Quelle place des représentants des salariés dans le Design social ? participer au pilotage de la démarche, alimenter le diagnostic amont du projet (enjeux, risques…) ; être à l’écoute des restitutions des ateliers, des besoins des équipes et des actions nécessaires à ce que la transformation s’opère au mieux pour tous ; être vigie éclairée dans le déploiement du projet ; contribuer à l’évaluation au fil de l’eau.
 
Comment initier les choses ? Recenser les difficultés dans le déploiement de projets récents ou plus anciens de votre entreprise, et s’il y a lieu, proposer de s’y prendre autrement :
-        En partant du terrain (du bottom-up plutôt que du top-down) ;
-        En associant les IRP (dialogue social de confiance et pas de défiance) ;
-        En impliquant les salariés concernés en amont du déploiement du projet (après, il n’y aura plus de marges de manœuvre pour intégrer leurs retours) ;
-        Et avec méthode (en s’appuyant sur les techniques des ergonomes de l’activité et pas uniquement en organisant des groupes de travail).
Contactez-nous pour en savoir plus.

Partagez cet article !