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Dossier : Newsletter Auto #6 : Impact Ukraine, conditions de travail

L’usine du futur impose de repenser le travail et son organisation

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L'usage des nouvelles technologies se propage à bas bruit dans les usines. Sensée optimiser le travail et donc faciliter les gains de productivité, l’usine du futur implique toutefois de repenser le travail et son organisation. Et de prendre en compte de nouveaux risques dans la prévention de la santé au travail. Tour d’horizon des technologies et de leurs impacts avec notre expert SSCT Dimitri.

usine auto

1. Les technologies de l’usine 4.0 ont un impact sur la santé des opérateurs

L’usine du futur, ou usine 4.0, est un concept relativement générique qui se caractérise par l’introduction et l’utilisation dans les unités de production, logistiques, R&D…, de nouvelles technologies parfois dotées de systèmes intelligents. Cloud computing, simulation numérique, capteurs et puces RFID, objets connectés, impression 3D, big data, robotique, internet des objets… tous ces outils à l’impact plus ou moins important sont sensés optimiser le travail, en facilitant les tâches à réaliser et la transmission d’informations à la fois au sein et hors de l’entreprise.  

Les modes de production, et donc l’activité des salariés, les collectifs de travail et de façon plus générale l’organisation du travail, sont bouleversés. Cela se traduit par une redéfinition des tâches et des rôles de chacun, de nouvelles procédures, des nouveaux process de production, de nouveaux métiers et de nouvelles compétences à acquérir pour les salariés. Les conséquences peuvent être positives comme négatives, comme le montrent les exemples de la robotisation et de la numérisation.

    Robotisation  

L’intégration de robots peut améliorer les conditions d’exercice du travail : réduction de l’effort physique, des postures pénibles, de la répétitivité des gestes et de l’exposition à certaines situations dangereuses. Peut s’ajouter également une certaine satisfaction du salarié à réaliser un travail de meilleure qualité, qui apporte du sens au travail et lui permet d’explorer un nouveau champ de compétence et, donc, d’améliorer son employabilité. Mais parfois, la robotisation rime avec augmentation des cadences et apparition de nouveaux risques physique.   

    Numérisation

Ces technologies rendent les process de travail plus efficaces et performants car elles permettent de gagner en réactivité  grâce à une transmission accélérée de l’information.  

Pour le salarié, cela signifie qu’il y a moins d’intermédiaires, mais pas que le temps nécessaire au traitement de l’information et les tâches à effectuer diminuent. Il y a aussi moins d’interactions entre salariés, ce qui peut créer des formes d’isolement et d’ennui, facteurs de risques psychosociaux. Enfin, l’outil numérique peut être utilisé par l’entreprise pour reprendre le contrôle sur l’activité – et les salariés.

L’exemple suivant témoigne de ces difficultés. Les agents d’un organisme de contrôle et de prévention ont été équipés de tablettes sur lesquelles ils accèdent aux informations dont ils ont besoin pour leur tournée (planning, données sur le client) et saisissent les informations nécessaires aux autres services (reporting, données pour la facturation). Des tâches de planification, de suivi, administratives ont ainsi pu être supprimées. Sauf que de nouvelles contraintes sont apparues :  

  •     pour l’opérateur : isolement, charge de travail supplémentaire, conflits d’agenda plus nombreux ;
  •     pour les fonctions support, complication des tâches liée à la perte d’informations ou à un manque de fiabilité de celles transmises qui gênent la facturation, conflit plus nombreux.

2. Quelle place pour l’humain dans l’usine 4.0 ?

Toute introduction de nouvelles technologies doit être pensée dans l’intérêt à la fois du salarié et du collectif de travail.  

Numérisation, robotisation, l’intégration de nouvelles technologies, modifient l’organisation du travail, les manières de faire, et transforment les gestes, le métier et de fait l’identité professionnelle. Les bénéfices de ces systèmes pour l’entreprise en termes de production (rendement/qualité) sont probables, mais ils ont aussi des conséquences sur les salariés et les collectifs dont l’entreprise doit se préoccuper :  

  •     Craintes d’opérateurs noyés par un trop-plein d’informations ;
  •     Perte d’autonomie avec l’intelligence artificielle ;
  •     Augmentation du contrôle avec recueil de données personnelles ;
  •     Risque de ne plus maitriser son travail ;
  •     Craintes pour l’emploi.

Pour que l’intégration d’objets connectés puisse être efficace et préserver les salariés, il est donc essentiel de bien en considérer les usages. Deux aspects en particulier sont à prendre en compte :

  •     Le travail est à considérer comme une résolution perpétuelle de problèmes, parfois imprévus. Or, si la machine est amenée à résoudre tous les problèmes, l’opérateur se retrouve à penser qu’il est inutile. En d’autres termes, le robot ou le logiciel doit alléger la charge mentale de l’opérateur sans absorber tout ce qui donne du sens au travail. De plus, la technologie peut créer de nouveaux problèmes. Exemple : une machine a détecté un défaut à l’aide d’un système radio mais ne l’a pas résolu ; l'opérateur doit chercher dans le paramétrage des commandes numériques et dans une multitude de paramètres machine pour comprendre et régler le défaut, une action potentiellement bien plus complexe et anxiogène pour le salarié.
  •     La flexibilisation des systèmes de production qu’amène l’usine du futur implique qu’ils soient rapidement et facilement reconfigurables pour absorber la variabilité du travail ; il s’agit de rendre flexibles les outils, pas les salariés. Pour cela, l’organisation du travail doit s’adapter et proposer de nouvelles formes de coopération, de décentralisation, de déhiérarchisation du travail, d’autorégulation des équipes avec plus d’autonomie pour les salariés.  

« L’introduction de nouvelles technologies doit répondre aux besoins réels des opérateurs et faire l’objet d’un accompagnement spécifique, car se dire qu’on a soulagé l’opérateur en réduisant par exemple les efforts physiques ne doit pas être un prétexte pour en demander plus ou trop. De plus, chaque technologie présente des risques qui lui sont propres et doivent être évalués ». Jacques Marsot, pilote de la thématique Industrie du futur à l’INRS.

3. Quel rôle pour les IRP ?

Pour diminuer les risques pour la santé et garantir de bonnes conditions de travail, les représentants du personnel doivent être vigilants à ce que les nouvelles technologies ne forcent pas à des cadences déraisonnables et qu’elles soient adaptées à l’activité réelle des opérateurs. L’augmentation des cadences ne doit pas effacer le bienfait de la réduction des efforts physiques.  

Pour cela, les opérateurs et leurs représentants doivent être associés à la démarche d’introduction sans qu’ils ne soient pris dans des dilemmes, des injonctions contradictoires. L’autonomie nécessaire aux opérateurs pour faire face aux imprévus doit être discutée, car les nouvelles technologies doivent répondre à la fois aux besoins du travail, des travailleurs et de l’entreprise.

Plusieurs outils peuvent être mobilisés par les représentants des salariés pour contribuer à la préservation des conditions de travail et de la santé des salariés dans l’usine 4.0 :

  •     visites et inspections des représentants du personnel : aller à la rencontre des salariés à leur poste de travail permet d’identifier les situations à risques et les problèmes à aborder avec l’employeur dans le cadre des prérogatives SSCT du CSE ;
  •     consultation avec expertise habilitée Projet important et introduction de nouvelles technologies, afin d'identifier les impacts du projet sur les salariés (réaménagements, modification du contenu du travail et de l’organisation), les risques qui peuvent en découler pour leurs conditions de travail et leur santé et proposer des pistes d’amélioration et de prévention ;
  •     expertise habilitée risque grave, quand un risque pour la santé et la sécurité des salariés révélé ou non par une maladie professionnelle ou un accident du travail, afin de déterminer s'il découle d’une nouvelle technologie et avancer des préconisations pour protéger les salariés et supprimer ou limiter le risque ;
  •     consultation politique sociale et conditions de travail avec expertise pour faire le point sur la mise en œuvre d’un projet, vérifier l'adaptation du DUERP et du Papripact, ou encore pour préparer les négociations sur la GEPP et la QVCT.

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