Études

Une fragilisation de la filière française ?

Les organes mécaniques sont un atout pour la filière française : si 10% des véhicules en Europe ont été assemblés en France en 2017, la contribution du pays en moteurs et transmissions est de 15%. Ce point fort pourrait s’affaiblir selon les positions prises dans l’électrique et les choix de localisation de production de moteurs et transmissions des deux constructeurs français.

moteur thermique

Les constructeurs et les équipementiers de la filière doivent travailler à respecter les normes environnementales (allègement des véhicules, optimisation des motorisations thermiques, électrification, etc.), dans une période où leurs moyens de R&D sont très sollicités, en particulier par le véhicule connecté et autonome, grande innovation pour l’avenir et où le risque d’être dépassé par de nouveaux acteurs est très fort. De fait, les constructeurs limitent les projets sur les motorisations thermiques, et plus encore diesels, puisqu’ils savent qu’ils devront adopter un mix de solutions intégrant les hybrides et purs électriques. Cette rationalisation se traduit de différentes manières selon les constructeurs. Certains gèlent les projets de développements de nouveaux moteurs diesels et en limitent le nombre (Renault et PSA par exemple). D’autres arrêtent les développements et achètent leurs moteurs diesels auprès d’autres constructeurs (ex. : Daimler vis-à-vis de Renault ou Ford vis-à-vis de PSA pour les petits moteurs diesels). Enfin, un constructeur comme Toyota va jusqu’à arrêter de commercialiser des diesels.

Moins de moteurs diesel

Cette période de mutation est aussi l’occasion pour certains équipementiers de se repositionner, passer des partenariats, ou même sortir des activités liées à la motorisation, etc. Renault et PSA prévoient de diminuer le nombre de leurs modèles diesel et de ne conserver qu’une plateforme, dédiée aux grosses cylindrées. Renault table sur 20% de son offre en électrique, quand PSA en proposera sur ses petits modèles (plateforme CMP) et misera davantage sur les hybrides pour ses plus gros véhicules (plateforme EMP2). Toyota est un cas particulier, puisqu’il a un temps d’avance sur les hybrides (Prius en tête), a des partenariats avec d’autres acteurs japonais sur l’électrique... Il peut donc se permettre d’annoncer un arrêt complet du diesel... puis des thermiques d’ici à 2050.

LES ÉMISSIONS DE CO2 REPARTENT À LA HAUSSE EN EUROPE

Les émissions de CO2 atteignent 118,1 g de CO2/km en moyenne en Europe (+0,3 par rapport à 2016), pour un objectif de 95 g de CO2/ km en 2021. Deux explications sont avancées :

  • l’effet de la baisse des ventes de diesel, véhicules émettant environ 20% de moins de CO2 que les véhicules essence ;
  • le succès des SUV et crossover, plus lourds et moins aérodynamiques que les berlines.

Une production internalisée

Par ailleurs, les deux français ont choisi d’internaliser la production des moteurs électriques : depuis plusieurs années, au sein de son usine de Cléon pour Renault (très en avance avec la Zoé en particulier) et à l’avenir pour PSA dans son usine de Tremery, dans le cadre d’un partenariat avec Nidec-Leroy Somer. Pour les autres éléments d’électronique de puissance, l’internalisation est encore à l’étude. Ce faisant, les constructeurs anticipent une baisse significative de l’emploi liée aux moteurs thermiques, que la production de composants pour véhicule électrique devra compenser.

Le problème-clé de la batterie

Si cette internalisation et la maîtrise de la chaîne cinématique sont importantes, elles ne répondent pas à l’absence de solutions en propre sur les batteries. Or, outre la mise en place d’infrastructures, c’est bien cet élément qui sera stratégique demain pour créer un leadership sur le véhicule électrique. Les acteurs de l’automobile investissent – diversement – en R&D, mais aucun ne semble aujourd’hui en mesure de s’imposer ; et, tout comme sur le véhicule connecté et autonome, une porte s’ouvre pour des acteurs extérieurs à la filière (cf. Tesla).

Après Renault en Espagne et en Roumanie, c’est au tour de PSA d’ouvrir de nouvelles capacités à l’étranger, avec prochainement une usine au Maroc. L’intégration d’Opel et de ses moyens propres (en moteurs et transmissions) est aussi un des éléments du paysage... qui peut conforter ou affaiblir la position forte qu’occupait la France dans l’industrie des organes mécaniques en Europe.

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