Actualités

Mag n°4 - Regards croisés, "relier égalité professionnelle et qualité de vie au travail"

Afficher l'article en plein écran

Interview croisée de Claire Monnier (intervenante Syndex, spécialiste des questions d'égalité professionnelle) et de Julie Chambon (intervenante Syndex, spécialiste des questions SSCT et de la qualité de vie au travail) sur la façon de relier l'égalité professionnelle et de la qualité de vie au travail.

Claire Monnier et Julie Chambon

Syndex- Le législateur a lié l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail (QVT) dans une même négociation. Pourquoi ?

CM - Dans la réalité, ces deux sujets sont souvent l’objet de négociations distinctes. Mais il y a une vraie logique à les lier. Nos expertises sur l’égalité professionnelle nous amènent souvent à mettre en lumière des noeuds freinant la mise en oeuvre d’une réelle égalité entre les femmes et les hommes. Ces noeuds relèvent directement de thèmes relatifs à la QVT : organisation du travail, temps de travail, charges de travail, aménagement physique des postes, nature des relations, conditions d’emploi, etc. Par conséquent, faire avancer la question de l’égalité professionnelle nécessite de disposer d’un diagnostic fin des conditions de réalisation du travail.

Syndex - Pouvez-vous donner un exemple concret ?

CM - Le temps partiel, dont 80% sont des femmes, est une cause structurante des inégalités entre les femmes et les hommes. De manière immédiate et visible par la dégradation de la rémunération réelle perçue. De manière plus pernicieuse, le passage à temps partiel s’accompagne rarement d'une réflexion sur la charge du travail. Ainsi, notamment dans les métiers administratifs à dominante féminine, les tâches auparavant réalisées sur un temps plein restent identiques malgré la baisse du temps disponible. Cela pose la question du report de l’activité sur le reste de l’équipe, qui peut se retrouver en tension, avec une surcharge de travail imposée pour « le confort » de leur collègue.
JC - La personne elle-même ne voit en général pas sa charge de travail modifiée ni ses objectifs ajustés quand elle passe en temps partiel. Elle est donc obligée de fournir le même travail dans un temps plus court. Les conséquences sur les conditions de travail sont alors perceptibles :plus de tension, intensification du travail, et baisse de la valorisation du travail réalisé puisque seule la rémunération est proratisée. Qui plus est, pour compenser la diminution du temps de travail, les personnes en temps partiel
peuvent s’octroyer moins de temps sociaux que d’autres, renonçant à la pause-café ou écourtant la pause déjeuner.
Elles sont alors progressivement écartées de la construction « des alliances » professionnelles, facteurs incontournables de promotion dans certains métiers. Sans compter que la constitution des collectifs de travail est un facteur important de régulation et d’entraide dans le travail et par conséquent contribue à la santé. Un accord sur l’égalité professionnelle et la QVT pourrait prévoir par exemple que le passage à temps partiel s’accompagne systématiquement d'une réflexion sur la charge de travail et les modalités de sa répartition collective et individuelle, et sur les objectifs attendus. L’accord devrait également prévoir une évaluation, pour qu’une telle mesure n’en reste pas au niveau des intentions.

Syndex - Pour bien négocier la QVT et, en parallèle, faire avancer l’égalité professionnelle, il faut avoir des éléments sur les conditions de travail dans l’entreprise. Comment disposer d’un tel diagnostic ?

JC - Plusieurs cadres permettent d’aborder la question des conditions de travail : la mission politique sociale, à travers ses deux volets conditions de travail et prévention santé-sécurité et l’ensemble des expertises relatives aux conditions de travail (risques graves et projet important). Une démarche QVT peut inclure une phase de diagnostic dans un cadre contractuel, qui pourra être articulée avec l’expertise technique relative à l’égalité professionnelle. Autant d’occasions pour les équipes de disposer d’éléments d’analyse pour aborder les futures négociations.

 

Partagez cet article !